Pre PWC, Hapcheon - Corée - 12-15 mai 2005

Sopot, Bulgarie. Fin de la Coupe du Monde. Christian, Laura et Gin viennent me voir lors de la dernière fête : « Il y a une Pre PWC en Corée dans 1 semaine, ça te dit d’y aller en tant qu’observateur ? »
« Heu, une semaine ? Ok, faut que je m’organise... et au fait, ça consiste en quoi être observateur ? »

Bref, me voilà rendu en Corée.
La traversée de Séoul est toujours aussi impressionnante. Des buildings partout à perte de vue.
J’apprends que Séoul compte 14 millions d’habitants intra muros (2 millions pour Paris). Et en quelques années des villes entières se sont construites à la périphérie.

En tant qu’invité et observateur officiel, j’ai droit à un traitement de faveur. Les Coréens sont déjà de nature assez déférent, mais là, ça en devient parfois presque gênant.

En même temps que la Pre PWC a lieu le championnat Coréen. Ce championnat commence juste un jour plus tôt, ce qui fait que les classements seront dissociés. Ca tombe bien, ça me laisse une journée de vol découverte avant d’attaquer les choses sérieuses.
Arrivé au déco, pas de doute, nous sommes bien en Corée : des petites montagnes boisées sans réelle organisation en système de crêtes si ce n’est la zone du déco, des vallées qui partent dans tous les sens, et des rizières partout (quasiment toutes asséchées à cette époque, heureusement). Le vol promet d’être technique est intéressant.

Mercredi.
La première manche du Championnat est lancée.
Le site consiste en une petite ligne de crête orientée nord-sud, avec à l’extrémité sud, une branche partant vers l’est.
Une petite station météo nationale est placée au sommet.

Station météo

Cela devrait nous garantir des prévisions au top selon les Coréens.
Un temps mini de 26 km est lancé. Les conditions n’ont pas l’air terribles. Et en effet, personne ne parviendra à boucler, la brise s’étant levée empêchant la rentrée au goal.

Jeudi, première manche pour la compétition internationale.
Par défaut, je suis intégré au comité de pilotes ainsi que Ogisawa (japonais) et deux pilotes locaux, dont Jinoh

Jinoh

, le meilleur pilote Coréen. Ca ne m’enchante que moyennement, car décider d’une manche dans une coin aussi délicat sans rien y connaître, ça va pas être de la tarte.
Briefing météo : vent faible, bons thermiques et plafs à 2000m. Les Coréens attaquent à réfléchir à des manches en circuit bouclé assez ambitieuses. On se regarde inquiet avec Ogi : le plaf est 100 m au dessus du déco, pas de soleil, et visiblement, le vent est déjà sensible juste au dessus de nos têtes. Renseignement pris, les météorologues sont de vrais météorologues, peu (voire pas du tout) sensibilisés au parapente. Et en météo, 20 nœuds = vent faible !
Marrant de voir à quel point des pilotes peuvent focaliser sur ce qu’on leur dit, sans même lever le nez au ciel...
On nous apporte un rapport météo plus détaillé, et en effet, i lest prévu un vent du nord, nord est d’environ 20 nœuds à 2000m dans l’après-midi. Nous tablons sur 1800m de plaf, ce qui semble déjà beaucoup, et la manche est décidée : une quarantaine de km vers le sud, avec une première branche vent travers droit, puis vent de cul vers le goal.

Attente au déco

Le déco mal alimenté est peu évident, et il faut du temps pour que tout le monde se mette en l’air. Nous prenons un excellent start avec Gin, vers 1800m, 200-300 m au dessus de tout le monde sous un beau cum, et feu vers la première balise. Le ciel est tout bleu devant nous. J’accélère pour contrer l’effet du vent travers et je me retrouve seul d’entrée de jeu, pour un long glide de 11 km. Comme prévu, rien ne bouge jusqu’à B1, que je tourne aux alentours de 450 m d’altitude. Là ,ça commence à sentir mauvais : les reliefs sont faibles, il y a juste quelques collines en direction du goal. Je me rue dessus. Rien au vent. Je me jette sous le vent. Rien non plus, sauf une belle dégueulante. 250m, le sol se rapproche, et là, un bon coup de pied au cul m’accueille. Il était temps, j’ai failli attendre. Mais très vite, le thermique se calme, mais ne s’arrête pas. Gin me rejoint par en dessous, et se calle dedans également. Je vois les poursuivant faire un bon plein 4-5 km avant la balise. C’est bon, nous avons une belle avance. Malheureusement, le thermique se désorganise, et nous stagnons vers 700-800, sans oser quitter ce zéro. Le groupe se rapproche et finalement 5 ou 6 pilotes nous rejoignent dans notre bulle. Je parviens à garder le contrôle de la grappe en restant le plus haut, et patiemment nous travaillons le thermique jusque vers 1400m. Nous pouvons enfin nous permettre d’aller chercher mieux plus loin. Nous naviguons en groupe vers une zone de cumulus assez hauts. Un bon cycle nous y attend vers 700 m, mais je serai le seul à l’exploiter jusqu’au plaf à 1900m. Les autres stagnent vers 1400 m. Le goal est à portée de main, à finesse 10 avec 20 km/h de vent de cul. J’initie le mouvement en direction du goal. En dessous, tous les autres partent également, mais vers la gauche !
 ???
Ben les gars ? Ils me mettent le doute. Je crains de m’être trompé en rentrant mes balises dans le GPS. En effet, les noms utilisés sont bizarres, et il y a au moins trois balises qui s’écrivent pareil au début. Du coup je les suis, hésitant. Je tripote mon GPS, je cherche à trouver l’erreur, j’essaye toutes les autres possibilités. Mais non, il n’y a pas de problème.
Sauf que maintenant, j’ai perdu de l’altitude et eux en ont regagné. Grr. Pas grave, je repars quand même vers le goal. Je ne prends pas trop de risque, car le ciel est bien allumé devant moi. Gin et Jinoh ont pris l’ascendant sur leur groupe et ils me suivent quelques km derrière. J’assure quelques centaines de mètre dans un bon thermique en chemin, tout en surveillant mes poursuivants. Ca va je n’ai rien à craindre, et le goal est maintenant atteignable avec certitude. Tout va bien, sauf qu’une fois arrivé au point GPS, rien, nada. Pas de ligne, personne. Tout compte fait, j’ai bien fait d’assurer ma rentrée au but. Je vois une ligne loin devant, environ 2 km et je m’y dirige. Mais la encore, ce n’est pas ça. Derrière, Gin et Jinoh vont se poser au point GPS. Bon, ok. J’y retourne. L’organisation arrive en fait 1 min après que je sois posé, et c’est Gin et moi qui installons la ligne. Va falloir se presser un peu la prochaine fois, les gars !
Une petite vingtaine de pilotes arriveront au but. Le vent a effet forcit ensuite, empêchant les retardataires de passer B1.
Du coup avec des paramètres pour le GAP (le système de scoring) mal adaptés, plus une manche bouclée trop rapidement par les premiers et ayant fait trop de déchets au début vont donner une manche de 580 points.

Vendredi.
Aujourd’hui, le vent est plus faible et de tendance nord vers 1500m, sud-est en dessous. La manche va consister en un petit aller-retour devant le déco, puis 38 km plein ouest pour le goal.
Se Yong, metteur au point GIN nous rejoint. L’année dernière, il a réussi le grand chelem : champion de Corée, vainqueur du classement permanent et vainqueur de la coupe de distance Coréenne. C’est dommage qu’il n’ai pu être présent la première manche.

On est jamais trop prudent

La manche débute bien pour Ogi et moi. Nous nous tirons la bourre sur l’aller-retour facile du début, et c’est à celui qui accélérera le plus fort. Le reste de la compétition est un peu à la traîne. Je profite d’un meilleur placement pour enfumer Ogi lors de la dernière branche vers B2, en avant du déco. Retour au déco, avec Ogi 400 m dessous. Et là, les choses sérieuses commencent. 40 km à faire, sur des petites collines, dans un ciel laiteux sans cum. Ogi ne trouve pas le bond cycle et je me retrouve seul au plaf, assez loin devant la meute. C’est malin ! Il va falloir que je m’y colle tout seul... J’hésite un poil, mais pas le choix, il faut y aller.
Comme prévu, ce n’est pas du gâteau. Alors que sur la zone du déco, nous avions de bons thermiques et des plafs aux alentours de 1500m, ici je n’arrive pas à passer au dessus de 1000m dans des petits 1m/s. Je fais 25km entre 650 et 1000m, enroulant tout ce qui se présente. L’écart avec mes poursuivant reste constant, nous sommes tous dans la même galère. Enfin, de plus grosses montagnes se présentent, surmontées de cums. La deuxième crête visible annonce le glide final. Ca devrait enfin redevenir bon.
J’accroche la crête bas, vers 650m, et trouve de petits thermiques qui me montent vers 800m. Suffisamment haut pour aller chercher le sommet au bout, qui est surmonté de beaux cums. Mais là, rien. Que des 0,5m/s mal organisés. Je zone, je cherche, mais nada. Au loin je vois un groupe se rapprocher. Non seulement ils vont me bouffer, mais en plus ils vont arriver au dessus de moi ! C’est trop con ! Un premier pilote un peu en avance arrive à peu près à ma hauteur, quand enfin, le cycle part. 2m/s, ça devrait être suffisant pour rester au-dessus de la meute. Voyant cela, Ogi et Se Yon accélèrent plein pot, mais ils arriveront juste 30 m dessous. Bon, j’ai les nerfs de m’être fait rattraper, mais au moins je contrôle encore la situation. Nous naviguons tous les trois de concert jusqu’à la dernière crête. Là, j’attrape une bulle meilleure qu’eux et je me retrouve 300 dessus. Yes, il y a une justice en ce bas monde !
Finesse 9, 15 km/h de cul, 6 kmà faire, des cums devant, ça doit le faire. Je pars en direction du goal. Tout se passe bien jusqu’à ce que je me retrouve dans la brise, qui à cette altitude est bien travers gauche. La finesse pour atteindre le goal passe subitement de 7 à 10. Ca craint. Il y a bien un semblant de crête qui va en direction du goal, mais le rendement n’a pas l’air terrible, je n’ose pas prendre le risque. Et derrière, Ogi et Se Yon arrivent plus haut. Une collinasse semble vouloir donner un peu. J’essaye d’enrouler les bulles, mais c’est trop couché. Je perds de l’altitude, et je me fait doubler par-dessus. Se Yon s’engage dans le plané final, j’observe la tendance avec Ogi. Ca à l’air de vouloir le faire, et de toute façon, ici, ça ne montera pas plus. Nous le suivons donc, 50 m plus bas.
C’est chaud bouillant. J’accélère pour contrer le vent de travers, mais il est difficile de trouver le bon rythme. Une ligne électrique et une rivière nous barrent la route. Ca va le faire, ça doit le faire. Et ça l’a fait. Se Yon passe la ligne 20 s avant nous avec 60m de marge. Ogi et moi sommes à 30-40 m de haut. Nous nous touchons presque, mais je suis devant.
Bizarrement, le système de scoring utilisé (GAP 2002) me place premier à la manche, grâce à un système de bonus gratifiant pour le pilote ayant mené la course. Bizarre. Et même dommage. La manche fait 980 points.
Une vingtaine de pilotes boucleront également la manche. Gin et Jinoh sont au but, dans le second groupe.

Samedi.

Ca va envoyer du gros !

Aujourd’hui, la météo n’annonce pas de vent, grand ciel bleu, bonne activité thermique. Tout est possible. Du coup le choix de la manche est difficile. Pas de crête pour indiquer la route, pas de zone spécialement meilleure qu’une autre. Et des brises locales inconnues et difficiles à imaginer.
Nous nous fixons sur une manche d’environ 40 km à nouveau, avec un zigouigoui dans la zone du déco puis une longue branche vers le nord, en pensant que la brise de mer sud prendra le dessus.

Le début de la manche est sans histoire. Si ce n’est qu’une option stupide au déco a failli me coûter cher : la face est ne donne pas très bien, même si tout le monde se maintiens. Je me jette dans la face ouest, mais rien. Je suis obligé de m’enfuir le long de la crête à la recherche d’un thermique salvateur. Trop con, c’est typiquement le genre d’option solitaire que je cherche en ce moment à éviter. Heureusement, vers 200m sol, un bon bouchon me propulse au plaf.

La course est rapide et facile. Mais lorsque nous abordons la branche plein nord, surprise, c’est le vent du nord qui a pris le dessus. L’activité thermique semble plutôt se calmer, et les reliefs devant nous sont assez peu marqués. Sa ne s’annonce pas très bien...
Voyant cela, je me place en haut de la grappe, et j’attends patiemment les fusibles. Les groupes avancent tranquillement, petite transition après petite transition, exploitant tout ce qui passe. Je suis toujours au-dessus, bizarrement assez facilement. Nous parcourons une vingtaine de km à ce rythme, mais un gros voile de stratocumulus arrive du nord. Ce coup-ci, c’est la fin. Plus que jamais, il faut rester au dessus de tout le monde afin de dominer le plané final. Je reste concentré, mais plusieurs groupes se forment, et il est difficile de les contrôler tous. Une trentaine de pilotes se retrouvent bien placés lorsque les thermiques se calment. Je ne suis plus le plus haut, et Gin et Jinoh sont entre 50 et 100 m plus haut, et à peine derrière. Quelques pilotes attaquent le plané final. Ca ne sert plus à rien de rester là, je pars également, et tout le monde en fait autant. Le vent de face est régulier, la masse d’air lisse. Je cale la voile aux trims à la vitesse optimum pour la finesse max que m’indique le Compeo, je rentre tout ce qui dépasse, et je prends la position la plus allongée dans mon cocon. Et ça marche. Après 4 km de plané, je suis celui qui arrive le plus haut dans la montagne qui nous barre la route. Manche 3, premier de nouveau. Pour seulement 200m, mais premier quand même. Gin, Se Yon et Jinoh sont juste derrière. Et donc même si j’en suis à trois victoires sur trois manches, rien n’est joué, Gin n’est qu’à 115 points, il ne va pas falloir faire d’erreur.

Dimanche.
Le vent est-nord-est est assez sensible. Et les organisateurs veulent une manche assez courte pour pouvoir organiser la cérémonie de clôture. Nous ne pouvons aller nous poser loin vers l’ouest et décidons de faire une course assez marrante : un petit triangle le long de la crête principale, à réaliser deux fois, avant d’aller se poser au PC, 5 km à l’ouest. Soit 48 km.
La course est rapide. Gin, Jinoh, Ogi et moi menons la danse, sans se quitter d’une semelle. Seul Ogi, qui n’a rien à perdre se permet de prendre des options. Et ça paye. Une transition plus longue mais bien meilleure lui permet de nous prendre 150m. Nous ne le reverrons plus. Il gagne la manche avec 5min d’avance. Pour ma part, je ne veux absolument pas prendre de risque, je contrôle Gin et Jinoh. Sur le plané final Gin attaque, je le laisse partir et j’assure tranquillement mon dernier plein. Jinoh fait de même en espérant une erreur de la part de Gin qui lui permettrait de prendre la tête du championnat Coréen. Mais tout se passe bien pour Gin. Il boucle second, moi troisième 30 seconde derrière, et Jinoh juste derrière moi.

Voilà, c’est fini. Jinoh est troisième, Gin second et champion de Corée, et c’est gagné pour moi.
Manche 1, 1er
Manche 2, 1er
Manche 3, 1er
Manche 4, 3ème
Content :-)

Gin Seok Song
Champion de Corée

Lors de la cérémonie de clôture, j’ai la bonne surprise de recevoir un price money de 2000$. Ca vaut vachement plus le coup de faire des pre PWC que des PWC : c’est plus facile, du coup on se sent bon, et en plus ça paye ! Et si en plus on est invité, c’est tout bénéf !

Podium